L'Atelier
Aneto, arête des Salenques
1997 |
ANETO
17/18
juillet 1996
Guilhem,
Didier
Soleil,
gouffre du Toro.
Garonne calme/impétueuse et froide, le granit est clair, presque laiteux en émergeant
des névés.
Col des Salenques vers 16 heures.
Baudriers, cordes et appréhension; nuages de plus en plus présents.
Premiers contacts, les doigts sur le granit. Didier précis, en tête - « c’est
facile ! » le sac devient lourd, mes genoux s’écorchent sur la roche.
Guilhem n’aime pas les attentes entre les longueurs de corde. Les nuages
emplissent maintenant le ciel.
Premier gendarme. « avale! avale! » inquiétude de chaque élévation.
Somptueuse station au sein de la montagne, là-bas sur l’arête devant nous
« une corne de taureau »
accroche quelques brumes.
Il tonne, mais c’est loin.
Les longueurs de corde : une rose, une bleue.
L’orage tourne, sans risque, il faut continuer.
Immense, immense, les glaciers sont présents de toutes parts enserrant l’arête
qui se colore de brun.
Il tonne toujours, l’orage nous harcèle.
L’inquiétude grandit à nouveau lorsque surviennent les « abeilles ».
Dans ce creux de l’arête, que d’épaisses brumes recouvrent, l’anxiété
est vive, des coups de tonnerre secs redoublent. L’électricité nous baigne,
Guilhem et Didier cheveux dressés en chaussons d’escalade ressentent plus que
moi ses effets.
Didier, énergique :
- « jetez les piolets, les sacs au sec ! » Sous la toile de
survie, au paroxysme de nos peurs, la tempête nous engloutit. Tous trois n’en
faisant qu’un, sous cette fine protection que les grêlons battent dans le
fracas des éléments, notre respiration est commune.
Peu à peu l’orage s’éloigne avec le danger, les parois sont embrumées,
mais l’optimisme renaît, « bivouaquer au sec serait super! »
Didier se rappelle un abri sous
le sommet des Margalida; après de
vaines recherches dans le brouillard et une longueur supplémentaire de corde,
nous installerons notre bivouac au-dessus du glacier que nous croyons être
celui de Russel.
L’orage définitivement parti, le brouillard plus léger va se déchirer.
Comment sera la nuit?
Une soupe chaude. Guilhem sur une terrasse inférieure reste inquiet.
Dans nos duvets, tout semble apaisé. la montagne s’assoupit et je guette les
premières étoiles. L’arête assombrie se découpe dans le ciel giottesque.
Mon regard a jeté son trémail dans cette vaste voûte d’où s’échappent
les étoiles filantes. Je suis braconnier dans le luxe de la nuit minérale,
quand les bruits sont musique et le silence mélodie.
Matin délicat de pureté cristalline lorsque éclabousse la paroi endormie.
La journée sera paisible sous un bleu inaltérable.
Les pas s’enchaînent, les hauteurs se comblent; le pic
des Tempêtes est celui de la sérénité, sa profonde brèche devient un
jeu.
Aneto : à mettre nos mains sur son Epaule,
nous le touchons presque, il nous attend sous le regard perdu de sa Vierge, la pierre est au pied de sa Croix, non loin du pas de
Mahomet.