Lavandière 2014 Bois peint |
L'eau claire ; comme le sel des larmes d'enfance
Arthur Rimbaud (Mémoire)
Dans les remous de ma mémoire où pleurent de discrètes saisons, j'ai repêché les souvenirs heureux, ceux où fleure encore ma jeunesse.
Le charretou gonflé de linge et de draps, l'escouade enfantine accompagnant notre mère, allaient dans l'allégresse chahuter la bienheureuse Cère aux galets polis et luisants. A Carlat nous quittions la route et un chemin sobrement aménagé dévalait la pente jusqu'à notre eldorad'eau.
Lavandière à genoux, sollicitant ses reins sans compter, Maman frottait, tapait sur sa planche immergée dans les tourbillons subtils et clairs de l'onde scintillante.
En ce miroir de fraîcheurs aquatiques nous brisions la nappe ondoyante et sonore, y plongeant nos jambes juvéniles pour l'improbable capture de vairons et goujons qui en mouvement vifs échappaient à nos mains inexpertes.
Lavandière à genoux sur le banc de sa planche, dans ses prières savonneuses, Maman, sans compter, outrageait ses mains et ses bras pour tordre et retordre le linge lourd de toute son eau.
Et la planche ciselée navigue encore auprès des rutilances où s'ancre le passé qui ne s'est jamais oblitéré.
René Vidal, 2014