Vendredi 21 Mars 1986
EXPOSITION / GALERIE DU CENTRE CULTUREL
Les sculptures ne négligent pas non plus la fantasmagorie et le surréalisme
René Vidal et sa "Femme au Paranuit" (Photo Daniel)
La couleur ! Vivante, folle, gaie, elle éclate sur les murs pierreux de la galerie du Centre culturel, rue Sabaterie, qui accueille, jusqu'au 30 avril, les oeuvres de René Vidal. Quitte, parfois, à ce que le mariage forcé des rouges agressifs et des bleus de rêve, des violets puissants et des noirs sans concession rompent avec l'harmonie communément admise et le classicisme de bon ton.
Mais René Vidal est avant tout sculpteur. Dès lors, la couleur appuie surtout les formes, en gomme les angles, en accentue les courbes, en épouse le délire. Surréaliste, si l'on tient vraiment aux étiquettes. René Vidal joue avec les formes comme avec un jeu de construction, bouleversant le paysage du corps, la géographie des enlacements. Ces structures sont peuplées de femmes épanouies, mais de femmes éclatées puisque, après tout, une bouche suave, la courbe d'un sein, le fuselage d'une jambe suffit à les nommer. Si les hommes essentiellement des pantins minuscules, des marionnettes dont la vie ne tient qu'à un fil, les femmes de René Vidal ont le privilège de l'inquiétante étrangeté, avec leurs mains aux ongles peints, saisissant par exemple une ombrelle rose ("la Femme au Paranuit"), leurs rondeurs insolentes que le bois magnifie.
Vitalité exubérante et fantasmagorie troublante font bon ménage dans ces sculptures qui méritent décidément qu'on penche un peu la tête pour en saisir tous les aspects : ainsi "le Débredinoir" propose une ouverture ronde cerclée de fourrure sur le côté d'une grande boîte noire : il suffit d'y passer la tête pour découvrir de nouveaux fantasmes, des femmes épuisées aux corps de nuages bleus, soutenant leurs compagnons qui, décidément, sont bien petits pour la rondeur de leur bras.
BOITES A MALICES
Jeu de formes, jeu de boîtes. René Vidal aime le mystère des intérieurs, les dessous des dessus, l'exploration volontiers ironique du dedans. S'il construit des boîtes, c'est pour mieux les ouvrir; en rendre visibles le mécanisme, les chevilles, les poignées, les fils et les ficelles. Ainsi, les élans, les formes sinusoïdales échappent à la géométrie fermée de "Sabot bleu" et de "Sabot noir" (le père de l'artiste était.... sabotier dans le Lot !) pour mieux la souligner. De même, les triptyques ordonnent le désordre, disciplinent le délire pour mieux en mettre en valeur les visions (la tentation de saint Antoine) ou les convulsions ("la Bataille noire"). René Vidal décidément ne ressemble qu'à lui. Jusqu'à ces clins d'œil qu'il affectionne, ces mélanges de matière qui détournent le bois de sa fonction "noble" : plumes, cuirs, et.... poignée de porcelaine dans "Simonetta nous y perdrons des plumes", fils et pierre dans "les Passagères clandestines".
CATHERINE DARFAY