Mercredi 21 Décembre 1988

Exposition René Vidal - Hélène Saule-Sorbé

René Vidal, le sculpteur, présentant les oeuvres d'Hélène Saule-Sorbé le jour du vernissage.
René Vidal, le sculpteur, présentant les oeuvres d'Hélène Saule-Sorbé le jour du vernissage.
(De g. à d.) MM. Campos, maire de Montcada, Dehez, Estarziau, René Vidal et Fernando Arino.
(Photo Guy Trémont, Pyrénées-Presse).

Depuis le 10 décembre, René Vidal et Hélène Saule-Sorbé exposent à la nouvelle Galerie d'art de la place P et M Curie. M. Marc Dehez, professeur de philosophie au lycée de Mourenx et passionné d'art, a découvert les oeuvres des artistes et nous livre ses impressions.

Le parc Güell érigé dans les années 1900 par Gaudi, un architecte génial, à la fois sculpteur, ferronnier, céramiste et ébéniste de ses oeuvres, a fait de Barcelone la capitale de "l'art nuevo" et "l'Athènes du XXe siècle".

Le parc est un syncrétisme de classicisme et de romantisme, à la fois acropole grecque face à la mer, et jardin à l'anglaise presque sauvage avec ses hautes frondaisons, ses taillis épais et ses allées qui se défilent aux yeux en donnant envie de s'y perdre.

Entre le délire et la géométrie euclidienne, le fameux banc du parc déplie les courbes miroitantes de ses céramiques. Pus qu'un banc, c'est un serpent, or le serpent dans les plus vielles religions du monde est le symbole de la sagesse, de la terre vivifiante qui donne force, rêve et pouvoir de création à ceux qui savent lui revenir.

Qui donc, mieux qu'Hélène Saule-Sorbé et René Vidal, peintre et sculpteur, et talentueux enseignants, pouvaient éprouver le charme d'un tel lieu ?

[...] René Vidal est trop délicat pour n'avoir pas cédé lui aussi à la magie des lieux, on savait cependant que ce fils d'un sabotier du Quercy, attaché à sa terre et à sa rusticité, allait nécessairement mettre les pieds dans le plat, et cacher son émotion derrière son humour habituel et les facéties de ses associations.

Ainsi, les bois du parc sont, comme des lauriers, faits pour être coupés, et la fête de la nature pour vite céder à la fête des hommes, celle de leur désir et de ses rêves, celle de la grande joie de l'Indedins (concept languedocien créé par René Vidal et qu'un siècle avant lui, l'allemand Hegel appelait platement : "l'intériorité").

La vision commence donc par une série de stères, incrustés de "ready-mades" (mot-à mot "d'objets fabriqués pour..."), dans la tradition des farces surréalistes. Les noms donnés par l'auteur parlent d'eux-mêmes : il y a Le stère électricité pour la lumière qui s'allume dans la maison, Le stère de la table avec sa nappe de cuivre rouge, osmose de tout le vaisselier, il y a Le stère à la figue pour le dessert et les autres plaisirs, et au-delà du Stère barreaux de chaise, évidemment celui du sommier où la fête atteint son paroxysme.

Mais la vision se précise, les objets symboles s'effacent devant l'essentiel : dans leurs sculptures aux couleurs vives, presque mobile, des femmes courent au soleil, boivent des nuages, ivres de liberté. Un couple se tient face à face dont les deux tours de la Sagrada Familia en perspective épousent les formes, comme pour le bénir. Une odalisque enfin s'endort bercée par les reptations du banc serpent.

Avec soudain des images de danse, d'abandon et des couleurs à émerveiller des enfants, on dirait qu'un faune joyeux hante le parc Güell, que René Vidal en a pressenti la présence et entendu la musique : la musique des stères.