Mercredi 27 décembre 1989

Trois oiseaux-pompes vont voir le jour à Mourenx, où l'artiste René Vidal a déjà façonné son premier projet
Trois oiseaux-pompes vont voir le jour à Mourenx, où l'artiste René Vidal a déjà façonné son premier projet
(Photo Patrick Bernière, « Sud-Ouest »)

L'envol des oiseaux-pompes

En matière de transformation d'outil industriel en oeuvre d'art, la "Roue de bicyclette" de Duchamp fait souvent office de référence.

Mais peut-être dans quelques temps parlera-t-on également des pompes-oiseaux de René Vidal. Ce professeur d'art plastique, enseignant au collège de Mourenx, prépare en effet trois oeuvres tout à fait originales qui pendront place, l'une à l'entrée de l'usine Elf-Aquitaine à Lacq, les deux autres sur le parkway qui relie l'échangeur de l'autoroute de Pau au rond-point de l'avenue Tourasse. "Ces oiseaux-pompes sont quelque part le reflet de notre Béarn, le rappel de la naissance industrielle de la région avec l'exploitation du pétrole et du gaz, et aussi l'image de sa vocation naturaliste", explique René Vidal.

L'artiste s'est volontairement posé en marge d'une vision naturaliste de l'animal et a donné libre cours à son imagination, façonnant le métal, en utilisant des matériaux déjà existants comme des pipes-lines.


CRÉATION

Les « oiseaux-pompes » picoreront en Béarn

René Vidal, professeur à Mourenx et sculpteur... sur pompes à pétrole, est entré dans le vif du sujet. La première de ses sculptures monumentales, destinées à « picorer » en terre de Béarn, prend son envol

« Je ne sais pas vraiment comment m'est venue cette idée. Le phénomène de la création n'est pas facile à expliquer... En fait, je crois avoir vu dans le mouvement de ces pompes à pétrole l'image d'un oiseau qui picore le sol béarnais. Pour moi, cette image est chargée de symboles : il y a donc, d'une part, le rappel de la naissance industrielle du Béarn, avec le pétrole et le gaz, et puis encore la vocation naturaliste de notre région qui est un passage obligatoire pour tous les oiseaux migrateurs. »

dans l'élan des états généraux

Le projet préciser ( « travailler cet outil industriel pour lui donner le caractère d'oeuvre d'art ») restait donc à René Vidal, le créateur, à le mettre en pratique.

La tenue des états généraux de la culture scientifique, technique et industrielle, en ce début d'automne, fut l'occasion de saisir une opportunité pour ce professeur d'art plastique, enseignant au collège de Mourenx, qui fut l'élève du sculpteur Marcel Gili aux Beaux-Arts de Bourges et qui obtint le diplôme national de sculpture (avec les félicitations du jury) il y a une vingtaine d'années.

Ailes de métal pour oiseaux-pompes : « l'outil industriel est très design », affirme René Vidal
Ailes de métal pour oiseaux-pompes : « l'outil industriel est très design », affirme René Vidal
(Photo Patrick Bernière, « Sud-Ouest »)

« Elf-Aquitaine me proposa donc d'utiliser trois pompes à pétrole qui dataient un peu, raconte René Vidal. Il a fallu les remettre en état, avant de pouvoir façonner le projet. » Pour tous les travaux de soudure, René Vidal a fait appel au talent de Jean-Pierre Ecosse, un spécialiste de la chaudronnerie et du forage.

« J'ai été surpris par la façon dont René avait envisagé la transformation des métaux », raconte ce dernier. « Mais le projet me plaisait bien, c'était osé, alors j'ai foncé. »

un outil très « design »

Aux côtés de Jean-Pierre Ecosse, René Vidal a donc entrepris la réalisation de ses trois oiseaux-pompes. « Je n'ai pas voulu donner une vision naturaliste de l'oiseau », explique-t-il. « Au contraire, j'ai donné libre cours à mon imagination en utilisant d'autres outils industriels comme des pipe-lines (des tuyaux de forage) pour décorer l'un d'eux ».

« C'est quelque chose de très excellent puisque je n'avais jamais travaillé le métal à cette échelle-là. Mais l'outil industriel, qui est moins « chaud » que le bois, peut être parfois très beau, très design ».

« leur place est ici »

Une fois leur réalisation et leur décoration achevées, les oiseaux-pompes de René Vidal trouveront leur place sur la terre béarnaise. Deux d'entre eux, achetés par la commune de Pau, seront posés sur le « parkway » qui relie l'échangeur de l'autoroute au rond-point de l'avenue Tourasse.

Le troisième sera restitué à Elf-Aquitaine et devrait orner l'entrée de l'usine de Lacq.

Des sites naturels, comme l'explique René Vidal : « Leur place est ici, en Béarn. »

Ils seront les témoignages du passé quand l'exploitation du pétrole n'aura plus cours dans notre région.

Marc DUTHU