Lundi  30 octobre 1995

René Vidal : des tondi polychromes

Avec sa bonne santé foncière et son goût des assemblages baroques, son savoir-faire qui tempère l'audace et l'exubérance de ses propositions, René Vidal a adapté le tondo. Il faut dire que les artistes contemporains redécouvrent de temps en temps, avec un plaisir renouvelé, cette composition circulaire héritée des peintres italiens de la Renaissance.

"Le déclic, nous confie le sculpteur de Mourenx, je l'ai eu en regardant un tondo de Picasso. Coïncidence heureuse, j'ai trouvé dans ma maison du Lot le même carrelage que celui dont s'était servi Picasso : un carrelage des années 18 ou 20..."

Hasard objectif cher aux poètes surréalistes ? Toujours est-il que ce tondo picassien a donné naissance à divers tondi vidaliens, divers par leurs matériaux, leurs coloris, leurs formats, comme on peut s'en rendre compte actuellement à la galerie Henry.

René Vidal pratique la sculpture sur bois polychrome avec humour et imagination, ne craignant pas d'y insérer toutes sortes d'éléments incongrus. Ici le secret - car il y a un secret - c'est l'utilisation de tourets électriques, ces grosses bobines autour desquelles on enroule les câbles électriques. Dans le trou central, il emboîte chaque fois un rectangle, obtenant un tableau. Celui-ci évidemment sculpté. Il héberge souvent une dame nue allongée.

"J'ai incrusté, comme vous le voyez, des morceaux de tapis, voire des filets d'oranges ou de filtres à café usagés. Il ne faut rien laisser perdre, tout peut servir."

Et de fait, on admire l'imagination de l'artiste, son métier au service d'une fantaisie débridée que la forme même du tondo et le savant travail du bois inclinent toutefois vers un certain classicisme. On apprécie aussi son sens très ludique de la couleur. L'une des pièces maîtresses de l'exposition, son autoportrait, est remarquable à cet égard.

On savait depuis longtemps - et ses pompes à pétrole transformées en oiseaux à l'entrée de Pau et à Mourenx en témoignent - que René Vidal est un adepte du détournement de l'objet industriel. Il transforme actuellement un château de la SNCF, dans le Lot, en un pot de fleurs géant : six mètres de haut.

Michèle PALISSES