Etonnant…

Difficile d’imaginer que de tant de supports, de matériaux, de formes et de techniques à la fois différentes et semblables d’approche naisse une cohérence unique dont on ne finit pas de dérouler le fil.

Le cloisonnement entre un passé oublié et retrouvé et un présent qui s’éloigne déjà produisent un bloc compact de temps dans lequel le spectateur s’enferme pour mieux explorer sa mémoire, suivre les nerfs du temps en épousant les nervures des feuilles, transformer la géométrie stricte du passé en courbes du présent.

S’asseoir et méditer sur un banc de pierre, s’imaginer dans une bulle d’esprit voyageur alors que le jardin continue à vivre, la fontaine à chanter, les statues à danser, ici ou ailleurs, car le jardin rassemble le monde.

Croire que même venu des pays de givre on a le souvenir des figuiers qui jamais n’ont peuplé notre enfance, le souvenir rouge des mystères qu’on n’a jamais décryptés, souvenir de sanguines qu’on n’a jamais vues.

Imaginer que la dualité de la création peut devenir unique, faire cavalier seul et faire jaillir l’amour en une seule personne.

Croire que l’éclatement du temps fait écho à l’éclatement des feuilles et résister, tout rassembler pour se refaire un monde à l’ombre du figuier, résister à la lumière drue, se faire idolâtre de l’ombre mouvante.

Savoir que lorsque le tangible traduit l’imaginaire et que le souvenir et l’émotion de l’instant se matérialisent, quand l’ombre du figuier se transforme en tremblement entre mémoire et présent, que les fruits gonflent et mûrissent, la mort s’abstient. 

"Voyage sous le figuier" de René Vidal exposée à Angers en 2008

                     Jean-Pierre Tanniou

Novembre 2008