Mercredi 1er octobre 2025
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Exposition à Mourenx : les jeux de piste de René Vidal
René Vidal dans son atelier de Mourenx : jeux de collages, de découpage, de dégradés de bruns et clins d’œil. André Clin
Le sculpteur de Mourenx se dévoile dans « Caché, collé », à la galerie d’art contemporain du MI[X]. Fidèle à ses habitudes, il invite le public à regarder avec curiosité dans ses œuvres à tiroirs…
Pour cette exposition, il a sorti le grand jeu. Dans chacune de ses œuvres exposées à la galerie d’art contemporain du MI[X] à Mourenx, le sculpteur René Vidal, bientôt 79 ans, a joué avec ses souvenirs personnels, son amour de la montagne, le papier, le collage, les dégradés de couleur des filtres à café séchés, l’histoire de l’art, son imaginaire, les ombres, les lumières, les volumes, ses références artistiques, dominées par le Catalan Marcel Gili, son maître à l’Ecole nationale des beaux-arts de Bourges et influencé par Maillol, et aussi les mots, l’endroit et l’envers de ses réalisations…
L'exposition a été baptisée « Caché, collé » et le titre va comme un gant à ce papa de trois enfants, aujourd'hui grand-père et retraité de l'Education nationale, ancré depuis plus de cinquante ans à Mourenx. Il se cache pour créer, et dissimule des messages dans ses oeuvres, explique Camille Théréau, responsable de la galerie d'art de Mourenx. Le sculpteur avait plaidé pour la création d'un tel lieu auprès de l'ancien maire de Mourenx André Cazetien. Il y avait exposé en 1988, lorsqu'elle était située place Pierre et Marie Curie.
Fascination pour Pompéi
Cela faisait dix ans que René Vidal s'était installé en Béarn, après avoir été professeur d'arts plastiques à Artix. « Je n'étais pas fait pour être enseignant », confie-t-il, l'oeil bleu pétillant sous des cheveux de neige. Le natif du Lot est diplômé en sculpture de l'Ecole nationale des beaux-arts de Bourges, et ne lâchera jamais ni la recherche ni la pratique. Il phosphore d'abord dans une petite pièce de son domicile, avant de pousser les murs dans un premier atelier qu'il construit, comme le second. Il mène de front son travail d'enseignant et son activité d'artiste. « Les nuits furent courtes » s'amuse-t-il.
Il travaille d'abord le bois, puis le papier, le cuir, se fait à Mourenx une réputation de mosaïste, crée les « pompes oiseaux » dont il surveille l'installation à Pau comme le lait sur le feu. Il « rencontre » Gaudi et son travail « beau et lumineux » à la faveur d'un voyage scolaire, nourrit son insatiable appétit de recherches en découvrant au côté de son épouse Marie-Paule la ville de Ravenne « la Mecque italienne de la mosaïque ! », et déploie dans une exposition en 2002, aux anciens abattoirs de Billère, sa fascination pour Pompéi...
Feuilles de chêne
L'art est toujours sur les talons de ce randonneur aguerri, initié aux Pyrénées par Hélène et Didier Sorbé, et qui faisait du Balaïtous, du pic d'Ossau ou de la Peña de Oroel des lignes de mire familiales, à atteindre avec son épouse, ainsi que des terrains de chasse artistiques, d'où il ramenait inspirations, cailloux, plumes de vautours... Autant d'éléments qu'il semait ensuite sur ses oeuvres prolifiques.
Il en a sélectionné pour la galerie d'art contemporain du MI[X] et en a créé une spécialement. L'exposition est un prolongement du travail artistique mené cette année par René Vidal dans le parc paysager de Mourenx, à travers son mémorial pour l'ancien maire André Cazetien. Une sculpture inspirée par deux feuilles de chêne recroquevillées, qui ont attiré sur le sol son regard lumineux.
Dans la galerie du MI[X], chaque oeuvre invite à plonger dans un jeu de pistes. L'une « appelle l'oeil depuis la porte », observe Camille Théréau. C'est un livre ouvert, dédié à son épouse disparue, qui mêle des détails de sa vie, des souvenirs communs : « une BD peinte », juge l'habitué des oeuvres à tiroirs, qui a pensé ce mémorial comme une prédelle, élément de retable dans les églises.
Découpages, collages, jeu avec les teintes de filtres à café réinterprètent les veines et boursouflures des oliviers. D.R.
Sur cet autre mur, il a accroché un triptyque, où chaque pièce explore le labyrinthe des troncs énormes et noueux des oliviers : « presque des grottes où l'on s'enfoncerait : ce sont des sculptures ! ». René Vidal réinterprète leurs boursouflures, creux et sinuosités avec des collages, et des morceaux de filtres à café et de chicorée, qu'il laisse sécher dans son atelier, après avoir décidé du dosage. Mais même s'il joue avec les éléments, il reste lucide : café et chicorée restent « les maîtres du jeu ! ».
Trois figues
« C'est un travail de matières », revendique-t-il. Il choisit dans cette palette de dégradés du brun à l'ivoire, la nuance qui lui convient, puis déchire, découpe, colle les filtres. Il joue entre le clair et le doré de quelques feuilles, comme un kaléidoscope de lumières. Elles palpitent sur son oeuvre, comme ces feuilles d'or qui illuminent la prédelle dédiée à son épouse, où il a réglé un « jeu d'ombres et de lumières », et même ajouté de fragments de matière du même bleu que ses yeux. Ici, ce sont ses oeuvres inspirées par le moucharabieh, grillage de bois placé devant les fenêtres dans les pays d'Orient. Les papiers dansent dans les légers courants d'air de la galerie d'art, et dessinent la dentelle de leurs ombres sur les murs, dévoilant aussi leur revers : une radio médicale. René Vidal a aussi habillé l'espace avec des volumes : trois figues à la cire fondue, en bronze et en plâtre blanc, qui témoignent elles aussi de sa fascination pour Pompéi, où il a été « surpris par la force des racines des figuiers ». Dans la galerie d'art, l'imaginaire s'offre un grand terrain de jeu.
K. R.
Pratique
Exposition « Caché, collé » de René Vidal, jusqu'au 25 octobre, à la Galerie d'art contemporain de Mourenx, avenue Charles Moureu (05 59 60 43 48).