MIRAGES DE BOIS

René VIDAL, né dans le Lot, a passé son enfance aux côtés d’un père sabotier, à Biars/Cère, le seul à plus de 20 km à la ronde. René a donc toujours vécu avec le bois brut, débité, équarri, l’odeur des copeaux fraîchement tombés, le bruit régulier et obstiné du ponçage. Ses yeux ont vu se développer la métamorphose sans cesse répétée de la matière-bois en un objet fuselé avec amour, parfait en soi dans sa forme et sa fonctionnalité. Tout cela reste vivace en lui lorsqu’il étudie et pratique la sculpture dans l’atelier de Marcel GILI à Bourges, il y a trente ans de cela.

Son travail en bois nous joue les tours de l’illusion, façonne des mirages de bois, mimétisme l’air, les nuages, les liquides qui s’écoulent, un drapé cassé, une main qui saisit... il écrit dans les bois ses fragiles graphismes qui sondent le vide autour de "La Veuve".

Le bois s’acoquine parfois à d’autres matériaux : incrustations insolites et érotiques d’un bout de peau de lapin, récupération d’une poignée de porcelaine au passé chargé, intégration dans les "Les Passagères Clandestines" et "L’Ossau" d’un gros caillou ramené du sommet l’automne dernier, festonnage au néon rose du Paranuit. Ces sculptures sont souvent l’aveu de passions, le lieu d’hommages : au Quattrocento, ses batailles lancent un clin d’œil à Uccello, son ensemble "Indedins" cite la Simonetta Vespucci de Piero di Cosimo. Dans "Les Passagères Clandestines" ou "La Tentation de Saint Antoine" on lit une assimilation de la Renaissance architecturale. Et partout, l’aménagement des vides et des pleins s’imprègne d’Henri Laurens, le premier sculpteur qu’il découvre dans une rétrospective du Grand Palais.

René aime jouer avec ses sculptures, ménageant en leur sein tiroirs, glissières, taquets, chevilles ; elles sont des jeux de construction dont il lui est parfois difficile de retrouver les ficelles. La couleur, très gaie, faisant travailler tout l’arc en ciel, peaufine les volumes avec son éclat, son pouvoir de séduction et masque (c’est à peine dommage) le secret d’une recette de travail du bois complément inédite. Née de contraintes elle est magnifiquement exploitée, je ne vous la dirai pas, parlez plutôt avec ce sculpteur passionné.

Hélène SAULE-SORBE 

Maître de conférences en arts plastiques à l’Université Bordeaux III

Catalogue exposition "René Vidal" Bayonne, 1986