René VIDAL

C'est le 11 octobre 92 que j'ai rencontré René Vidal chez lui. à Mourenx, dans les Pyrénées atlantiques, près de Pau. Dès novembre (voilà déjà 6 ans) j'écrivais un article sur lui et ses oeuvres, qui a été publié dans le n° 5 de la revue "Gazogène" de mon pote Jean-François Maurice, de Cahors, en décembre 92. Dans ce court jus, j'avais essayé de présenter René à ceux qui pouvaient ne pas le connaître, mais je tentais surtout de faire passer dans mes mots la féerie de ses créations et le sortilège quasi- miraculeux qu'il génère. C't'un vrai poète, René (un s'cond Rimb). C't'un sculpteur qui met des couleurs somptueuses, triomphales, attendrissantes (mais point du tout fades, bien au contraire) sur ses formes envoûtantes. Comme je le disais à l'époque: "O, ces couleurs d'éblouissement des petits matins (bleu saphir, émeraude, rose indien)".

Avant de jacter sur ses productions nouvelles (celles d'après 1992, pour moi), je résume ce que déjà dit chez l'ami Jean-François, au cas où vous auriez égaré sa parution de choc.

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dans le Lot en 1946 (il a donc 54 ans, le René). Père savetier.
Beaux-arts à Bourges (section sculpture) de 65 à 69.
En 1969 il épouse Marie-Paule Bex.
Dès 1971: expos diverses.
En 1978: installation à Mourenx (prof. de dessin à Artix, à 6km).

Ses principales créations:
Sculptures en bois poli (ou en polyester), peintes comme à la Renaissance (ô voui: Simonetta Vespucci, par Piero di Cosimo) ou comme est cinématographiée notre resplendissante Vanessa Paradis. 0: "Les soeurs jumelles", et "La femme avec yeux dans mains", et "La femme ressorts", et "Le couple au banc".

Boîtes fermées, ouvrables (genre surréaliste) incluant les non-écrits de l'auteur ("Boîte pour un rayon de soleil" ...).

Panneaux et blocs en bois sculpté en profondeur et en tous sens, et peints (ô la somptueuse "Stère rouge" et "Le sabot bleu" démontable, et "La bataille d'Uccello", et "La bataille noire").

Planches de papiers collés (paquets et filtres à café ...).

"La vache blonde des Pyrénées" (sculptée grandeur nature).

Les pompes-oiseaux (ex-pompes à pétrole de Lacq), reparties dans plusieurs carrefours de la ville de Pau.

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De 1978 à 83, commence pour René une période pendant laquelle il a été coupé de toute vie sociale. La cause (comme il dit) est à rechercher en lui- même.

Il travaillait à "l'In-dedins", qui est en quelque sorte son "grand oeuvre".
Il s'agit d'une sculpture circulaire de 4m de diamètre et de 2m de haut, avec plus de 400 éléments qu 'il lui a fallu rassembler et qui lui a été inspirée par un assemblage de Marcel Duchamp intitulé "Etant donnés 1° - Le gaz d'éclairage. 2° -Les chutes d'eau". Il a pris près de 6 ans à la réaliser. La différence entre les deux oeuvres est que celle de Duchamp était impénétrable, tandis qu'on peut entrer dans la sculpture de René Vidal, simplement en poussant la porte. Il a voulu faire de cette chambre circulaire "le compendium de tout ce qui avait une importance déterminante pour lui, un labyrinthe de la mémoire réduit à l' essentiel, un sanctuaire absolu et son refuge ultime, loin des chemins de l'absence, du doute et de l'ennui" (P. Comte).
"In-dedins" veut dire pour René "l'en-dedans, l'intérieur de soi, souvenirs, impulsions, rêves".
Cet environnement sculpté peut contenir jusqu'à 5 spectateurs. Il a été exposé en 1985 au musée des Beaux-arts de Pau.

En 1987, il commence une série:
"Les femmes du parc Güell": bois peints auxquels il mêle des fragments de faïence ou porcelaine.

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Voilà zou jan n'étais, fin 92.
Maintenant, pour arriver au jour d'aujourd'hui, faut que j'feuillette les 24 fiches de bristol de 65cm x 51 que j'ai, jusqu'ici, consacrées au jeune, doux, et combien créatif poète (zavec des yeux bleus) René Vidal (sur les 6905 fiches de ma doc sur les zartisses que j'aime).
Allez: zou: allons-y (en précisant que j'irai vite, mais que je m'étendrai quelque peu sur les oeuvres qui m'ont particulièrement séduit).

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Fin 1993, René installe, dans sa ville de Mourenx, une colonne baptisée "L'aiguillon de la mémoire" (réminiscence des cheminées des usines du bassin de Lacq) qui lui avait été commandée 4 ans auparavant pour le bi-centenaire de la Révolution française. (L'implantation de la colonne avait été différée à cause des nombreux aménagements urbains réalisés à Mourenx depuis 1989.)
Cette colonne de 10m de haut (en béton, habillé de céramique), s'est inspirée des colonnes de la liberté érigées en France à la fin du 18ème siècle. Un chapiteau évasé termine l'oeuvre.

Tondis polychromes (1996):
Les peintres italiens de la Renaissance ont souvent créé des compositions circulaires appelées tondi (tondo). René s'en est inspiré, en utilisant des tourets (plateaux de grosses bobines de fil électrique) dans le trou central desquels il emboîte des rectangles qu'il sculpte et peint. Il y incruste également des morceaux de tapis etc. etc...

Le vase des fleurs du rail (1996):
René a transformé un château d'eau de la S.N.C.F., dans le Lot (à Biars-sur-Cère), en un pot de fleurs géant de 6m de haut. De ce vase sortent 20 tiges d'acier (rails) portant des fleurs (roues).
Le haut du pot a un fond bleu (faisant allusion à l'eau initialement présente dans la citerne, maintenant détruite).
Trois éléments répétés rythment l'ensemble:
-rectangles jaunes (chantier de traverses)
-roues de train
-spirales (volutes de fumée des locomotives).

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Les Pyrénées sculptées:
D'une série de courses sur les sommets les plus attachants ou le plus renommés des Pyrénées, le photographe Didier Sorbé et son second de cordée (notre sculpteur René Vidal) ont rapporté chacun une oeuvre, leur vision de la montagne: le Canigou, Baroude, l'Aneto, le Petit Gabizos, le Monte Perdido, le pic d'Er, l'Arriel, le Vignemale hauts en couleurs et débordant de l'imagination prolifique de René Vidal.
Ils prennent rang dans un dépliant réversible pour dialoguer avec les polyptyques argentiques, tout en nuances, de Didier Sorbé. (Editions du Pin à crochets - 57 rue Carnot - 64000 Pau. Tél.: 05.59.02.29.62.) Bandeau de 1.8,5cm x 242cm, plié en 11 volets entre 2 cartons gris sérigraphiés, impression recto en quadrichromie, verso en bichromie.

La pierre que René a rapportée de chaque sommet sert de pièce à conviction. Autour d'elle s'organise un souvenir oculaire (un profil de crête, la verticalité d'une surface, des restes de topographie) et la vision intérieure (l'univers : personnel, ses objets fétiches et symboliques). Dans ces assemblages, les matériaux les plus divers trouvent leur justification.

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Mes essais de description des créations vivantes, colorées, magiques, imaginatives (et mémorisantes en même temps) de René sont bien fades, je le sens. C'est pas mon genre de faire ainsi un bien sec petit inventaire. Mais je me suis cru obligé de le faire, tout imparfait soit-il, car des créations comme celles de René, on doit au moins en citer les principales.

Pour l'enthousiasme qu'elles font monter en moi, on se retrouvera une autre fois. O oui, bigre, pour tenter de vous faire sentir le bouillonnement de René, et sa "crépitance", et surtout ce que c'est qui fait sa virulence, sa magnificence, et sa  toujours splendide marche en avant, vers le haut, et dans le dedans.

PÉRÉGRINATIONS d'André Escard
Bulletin de l'association "Les amis de François Ozenda" - N°64 - Juin 1999